
En marche ensemble : la démocratie en mouvement ?
La rétrospective de 2017 de l’artiste brésilienne Lygia Pape (1927-2004) au Met Breuer, à New York, s’ouvre sur une photographie de format mural montrant une performance célèbre de Pape intitulée Divisor (1968). L’image expose les qualités visuelles frappantes de l’œuvre originale, dans laquelle des dizaines de personnes, liées entre elles par un grand drap blanc, déambulent dans les rues de Rio de Janeiro. En constituant un corps collectif à partir des corps des performeurs, Pape réunit des conditions dans lesquelles ceux-ci peuvent agir comme un corps social unifié. Le drap, qui sépare leur tête de leur corps en dessous, rappelle la surveillance imposée à l’époque par la dictature militaire brésilienne. Dans le même esprit qu’une portion importante du travail réalisé par Pape durant cette période, Divisor, appréhendée comme sculpture sociale, ne peut être activée que par la participation du groupe. Reprise en mars 2017 dans le cadre de l’exposition du Met Breuer, l’œuvre trouve un écho dans le climat sociopolitique et esthétique d’aujourd’hui. Elle aborde le désir contemporain de repenser d’un point de vue critique notre rapport aux espaces urbains et les relations que ceux-ci rendent possibles. En rassemblant – assez littéralement – de multiples corps dans une marche processuelle, la performance offre ce que Randy Martin, théoricien du mouvement, décrit comme la « kinesthésie de la protestation » : elle « incarne ce qu’elle cherche à accomplir, faisant taire l’impossible pour qu’une alternative en vienne à être vivable2 2 - Randy Martin, « Toward a Kinesthetics of Protest », Social Identities, vol. 12, nº 6 (novembre 2006), p. 791. [Trad. libre] ».
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